Friday 20 May 2011

Chiens appâts vivants pour la pêche aux requins : Quand le fait divers est manipulé en "tradition locale réunionnaise"
Pourquoi un fait divers (des cas isolés d’actes de cruauté envers les animaux par des individus au comportement psychotique) est-il qualifié de "tradition locale réunionnaise" et de "pratique ancestrale" par la Fondation 30 millions d’amis, sur son site, dans sa pétition et lors de son émission hebdomadaire sur France 2 ?
C’est comme si une association de protection de l’enfance affirmait, sans sourciller, qu’il y a une "tradition locale belge" de la pédophilie à cause de l’affaire Dutroux !
La volonté d’appâter les médias et de manipuler l’émotion du grand public en gonflant une affaire devenue, pendant plusieurs mois, une "tradition locale" ultra médiatisée (les JT de 20 heures et la presse française et anglaise ont bien mordu à l’hameçon !) [1] a été faite au détriment de la population réunionnaise qui aurait préféré que la métropole ne les diffame pas et se préoccupe aussi de l’épidémie d’appâts humains vivants aux moustiques.
L’émotion fait vendre
À la pêche aux gros... donateurs
Pourquoi avoir manipulé un fait divers comme celui de l’affaire des chiens appâts, avec une image "choc" d’un chien aux babines embrochées par un hameçon, pour en faire une "tradition locale", si ce n’est que l’émotion fait remplir le tiroir-caisse ?
D’ailleurs, "Choc Magazine" en fait aussi son fond de commerce, en mélangeant savamment sur chaque couv’, des images de canards gavés, singes disséqués et autres animaux dépecés de leur fourrure, parmi des gros plans de paire de seins et de fesses.
L’émotion comme le sexe font vendre... et ce n’est pas les assos de protection animale qui s’en plaindront puisque que c’est une stratégie marketing déjà employée depuis plus de 10 ans par l’asso américaine PeTA (devenue grâce à cela, la plus grosse charity-business de protection animale). Et les animaux, dans tout ça ? Ils sont toujours plus exploités et torturés, ce qui fait un vivier inépuisable d’images "choc" !
Une pétition contre... mais la loi française est déjà contre
La fondation 30 millions d’amis propose sur son site de signer une pétition contre l’utilisation des chiens comme appâts vivants.
Selon la loi française en vigueur sur l’île de la Réunion, la Réunion étant un département français (précision malheureusement nécessaire) : Si la pêche au requin est libre, les pratiques barbares qui consistent à se servir d’animaux domestiques sont, elles, interdites.
Il n’y a jamais eu de loi ni quoi que ce soit qui autorisait jusque-là l’utilisation de chiens vivants comme appâts pour la pêche aux requins sur l’île de la Réunion. À qui sert donc cette pétition ? Créer un fichier gratos de futurs donateurs ? Prouver à France 2 que l’émission moribonde 30 millions d’amis a - quand même - de l’impact malgré la concurrence des Experts à la même heure sur TF1 ?
Peut-être qu’au lieu d’organiser une pétition au siège social de la Fondation (8eme arrondissement à Paris) il serait bien plus utile d’aller sur le terrain et faire des actions de fond sur le long terme... et pas simplement un coup d’éclat et du sensationnalisme.


Un déferlement émotionnel aux relents colonialistes
Forcément, quand on chauffe à blanc les téléspectateurs et les lecteurs avec de la désinformation calomnieuse mais vendeuse, comme "cette tradition locale", "cette pratique ancestrale" et "des chiens finissent dans les marmites cuisinés en cari" [2], les bas instincts se déchaînent sur les forums et les blogs. Ajouter à cela, le reportage sur les " chiens appâts" qui tombait au même moment qu’une diffusion large sur le net d’un reportage en Chine sur l’élevage de chiens pour le commerce de leur viande et fourrure et l’on obtient un cocktail explosif. 2 exemples symptomatiques piochés au hasard des centaines de réactions passionnelles :
(Les posts ont été retranscrits sans aucune modification)
Sur le blog : non.a.la.torture.des.animaux :
"La Reunion nous prouve qu’elle n’a pas le niveau de culture de la France et qu’elle restera encore longtemps à la traine, les gens sont "betes" il n’y a pas d’autres mots".
Sur le forum : touslesdrivers.com :
"enculés de barbare de déchets de l’humanité ! (désolé pour la vulgarité, mais ça vient du coeur) PS : pour régler le problème des requins, ne faudrait il pas attacher avec un crochet un chinois qui bouffe du chien par les parties génitales, on rêglerait deux problèmes en une seule fois). Je suis raciste, la seule race que je n’aime pas c’est celle des cons !"
Les "gens des îles" (*) sont-ils plus cruels avec les animaux que les Français de métropole ?
(*). Expression utilisée par madame Brigitte Bardot pendant son intervention sur l’affaire des "chiens appâts" à l’île de la Réunion, lors de l’émission Vivement dimanche sur France 2.
Faits : Il y a indubitablement des cas scandaleux de négligence, de maltraitance et d’actes de barbarie commis sur des animaux dans les départements d’Outre-Mer autant qu’en métropole... et partout dans le reste du monde. Ce n’est pas une spécialité des "gens des îles" ni plus qu’une "pratique ancestrale réunionnaise" mais c’est surtout tellement plus pratique de stigmatiser l’Autre qui vit au large de Madagascar, au beau milieu de l’océan Indien et qui n’a pas la "pratique ancestrale" d’être un généreux donateur aux fondations BB et 30 millions d’amis.
À Paris dans les quartiers huppés, le plus grand concentré de souffrance et de maltraitance animales au mètre carré !
Faits : Afin de recadrer un peu les choses, il serait bon de rappeler que ce sont dans les 16ème et 8ème arrondissements (sièges de la Fondation 30 millions d’amis et de la Fondation BB) où l’on trouve le plus grand concentré de souffrance et d’exploitation animales au mètre carré. Entre les boutiques de fourrures et cuirs exotiques, Hédiard et son caviar, Fauchon et son foie gras et les homards ébouillantés vivants dans les restos chics : franchement, le pêcheur réunionnais à coté, c’est Saint François d’Assise !
Mais voilà, aucune personne qui habite ces quartiers huppés se lève tous les matins pour pêcher le homard, gaver les oies, désosser la bidoche, ou dépecer les visons, alors on est nettement moins enclins, quand on gère une fondation de protection animale, à traiter ces individus de bourreaux d’animaux, d’autant plus que ce sont souvent de généreux donateurs. L’argent n’a pas d’odeur quand l’hypocrisie est de rigueur.
Loin des yeux, loin du cœur... et près du portefeuille
Faits : Il y a des problèmes endémiques d’abandons et de chiens errants autant en métropole (voir le problème des moutons égorgés par des chiens errants que l’on dissimule en "attaque de loups" pour recevoir des subventions européennes) que dans les départements d’Outre-Mer comme la Réunion. Le problème n’est pas nouveau et il ne date pas du reportage sur les "chiens appâts à la Réunion" diffusé le 3 avril 2005 sur France 2.
La SPA, cette vénérable et richissime association de protection animale administre les fourrières municipales (CINOR) de St Denis, Cambaie et St Pierre dont elle reçoit, pour leur gestion, de substantielles subventions publiques (nos impôts). Il existe également des actions de terrain par des bénévoles dévoués aux animaux comme l’association "Ti case animaux" près de Tampon.
Conclusion : Le problème des chiens errants à la Réunion ne se réglera que par un travail pédagogique de fond et sur le long terme, pas en faisant du sensationnalisme et en stigmatisant un peuple. Qui fera ces actions de terrain pour les animaux ? Les richissimes associations animales, toutes basées en métropole, ont-elles vraiment voulu jusque-là se donner la peine de s’investir dans une île au large de l’Afrique, économiquement non rentable pour elles ?
Des requins vivants pour chasser le chien
Le scoop du journal satirique réunionnais http://www.lepiratedelareunion.net : "Des requins vivants seraient utilisés pour chasser le chien" ? !

Dessin : lepiratedelareunion.net
Attention à la caricature ostentatoire ou une fatwa des "intégristes animaliers" pourrait bien s’abattre sur vous, le Pirate de la Réunion, et les fous du dieu PeTA au Jésus veg pourraient bien organiser une manifestation, devant le ministère de l’Outre-Mer avec de jeunes vierges nues coiffées d’antennes de moustique (les cornes de taureau en plastique ayant déjà fait la preuve de leur redoutable efficacité à Pampelune).
La vérité sur la "pêche au vif"
Ce sont les pêcheurs qui savent le mieux parler de la pêche... alors, donnons leur la parole à travers le sitehttp://www.carnassiers.com/ :
(ce texte a été retranscrit sans aucune modification)
"La pêche au vif : C’est la technique la plus populaire en France, et de loin. Le principe en est lumineux : les carnassiers se nourrissent de poissons vivants ? On leur propose un poisson vivant. Point barre. "
Voilà, le style est aussi glacial et cinglant qu’un coup de nageoire mais c’est toujours intéressant de savoir que "la pêche au vif" est la technique de pêche la plus populaire en France, même si cette technique de pêche barbare n’a jamais ému les assos animales, sauf quand l’appât vivant est un chien.
On attrape pas les mouches avec du vinaigre ni les requins avec un chiot
Avant tout, un requin est attiré par le sang. Une bonne bouillie sanguinolente de viscères appâtera 1 million de fois plus le requin qu’un chiot vivant.

Carcasses de poissons comme préparation pour attirer les requins
Ce qu’utilisent en fait communément les pêcheurs de requins est un mélange de divers morceaux de poissons hâchés avec différentes matières organiques. Pour la pêche au gros, les pêcheurs préfèrent des poissons comme appâts vivants. Bien sûr, les poissons, même quand ils sont utilisés comme appâts vivants, ne rentrent pas dans catégorie jackpot des animaux qui font de l’émotion et remplissent le tiroir-caisse des associations comme les chiens, les chevaux, les ours et les dauphins. Donc, pas de campagnes, pas de pétitions, pas d’images Choc-Mag, pas de passions ni d’émois exacerbés sur les forums.
Décidément, le poisson ne sera jamais un animal économiquement rentable pour une association de protection sélective des animaux.
Les dents de la terre : l’Humain, cette machine à manger des ailerons
La Réunion se caractérise par la présence de nombreux requins "Dagsit", Le Dagsit est un requin gris de récif (Carcharhinus amblyrhynchos) qui mesure 2.50 m (taille adulte). C’est un requin commun, quasiment inoffensif pour l’homme.
Ce qui est regrettable est que la pêche au requin est libre à la Réunion alors que les espèces de requins sont non seulement menacées mais sont scandaleusement péchées simplement pour satisfaire la gourmandise imbécile des touristes avides de mets exotiques aux ailerons [3]. Sans compter que les requins sont dépecés alors qu’ils sont vivants et pleinement conscients (après un long travail d’investigation égal à celui des grands reporters de 30 millions d’amis, nous pouvons aujourd’hui vous révéler que les pêcheurs ne prennent pas la peine d’injecter une piqûre de morphine au requin avant qu’il se fasse taillader l’aileron).

Requin découpé vivant
Les associations de protection animale - si elles ne faisaient pas une sélectivité économique à l’égard des espèces animales - devraient se pencher sur le sort de ce noble animal qui mérite la même considération et attention que le dauphin même s’il n’est pas un mammifère, qu’il n’est pas "mignon" et que les campagnes de sensibilisation à la protection et défense des requins n’attireront jamais autant d’émotion et de donations que les dauphins.
Au souper des moustiques, les réunionnais servent d’appât
Même si le premier cas de virus Chikungunya a été enregistré officiellement le 22 février 2005, l’épidémie s’est réellement déclarée en avril 2005, dans l’indifférence générale des médias (en métropole) et de l’administration. Triste coïncidence, l’affaire des chiens appâts a également éclaté le même mois, avec la diffusion du reportage de 30 millions d’amis le 03 avril 2005 sur France2.
Les réunionnais auraient-ils eu besoin que BB défende les moustiques pour que le "Chik" soit médiatisé avant l’hécatombe ?
Madame Brigitte Bardot étant intervenue en personne sur l’affaire des "chiens appâts et les gens des îles" au cours de l’émission Vivement Dimanche sur France2, le gouvernement se devait de réagir ! [4] (on ne sait jamais, il ne faudrait quand même pas se mettre à dos les électeurs d’une certaine droite très très décomplexée). Et pendant que le Préfet de la Réunion, le ministre de l’Outre-Mer, la gendarmerie maritime et le substitut du procureur patrouillaient dans les airs et sur les eaux à la recherche d’hypothétiques chiens empalés à des hameçons [5], le chik creusait son nid.
Il faut dire que pour le "chik", il n’y avait pas à l’époque d’urgence puisque, selon l’expression même de l’institut de veille sanitaire : "le virus du chikungunya ne peut pas s’importer en métropole" (sic !).
On estime à plus de 100 morts, les victimes directes ou indirectes du virus Chikungunya. Plus de 200 000 réunionnais sont ou ont été touchés par ce virus, depuis avril 2005.
À long terme, on ne connaît pas les conséquences des produits chimiques de démoustication utilisés - le Fénitrothion et le Téméphos - sur la santé humaine et l’environnement. Ces produits tuent, entre autres, les caméléons, les abeilles, certains poissons et animaux d’élevage seraient aussi déjà intoxiqués. Si ces produits font autant de dégâts, quelles seront les conséquences sur les nappes phréatiques et sur la santé humaine ?
Cette épidémie est une véritable catastrophe humanitaire et écologique.
Pour aller plus loin
Tout savoir sur le Chikungunya
http://www.savesharks.org/
Plaidoyer pour les requins
Notes :
[1] Par exemple, TF1 a diffusé des images anciennes d’archives montrant un chien transpercé d’hameçons, censé servir d’appât vivant pour la pêche aux requins. Un reportage qui sent le réchauffé pour faire du sensationnel et satisfaire une certaine catégorie de téléspectateurs. Pour en savoir plus, lire l’article de l’AFP "La Réunion s’inquiète d’une campagne de dénigrement " du 12 octobre 2005.
[2] "les chiens finissent dans les marmites cuisinés en cari" provient de l’article de Libération "A la pêche aux requins, les chiens servent d’appât" du lundi 10 octobre 2005.
[3] Chaque année, on tue environ 100 millions de requins à travers le monde, notamment pour fournir les marchés d’Asie du sud, où les populations sont friandes des ailerons. La principale méthode de " pêche", si on peut qualifier ainsi ce jeu de massacre, est ce que les anglo-saxons appellent le " finning ". Cela consiste à couper les ailerons sur le requin encore vivant et de rejeter le reste du corps à la mer. Les animaux ainsi rejetés agonisent dans d’atroces souffrances.
[4] Fin août 2005, Brigitte Bardot adresse un courrier au préfet et au ministre de l’Outre-Mer, François Baroin. L’ex-star des sixties exige des actions coup de poing.
[5] Des opérations "coup de poing" ont été menées les 26 et 27 septembre derniers sur la côte ouest de l’île mobilisant d’important moyens aériens, terrestres et maritimes. Ces opérations ont été rapportées dans l’article "Opération anti-pêche au chien appât".

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